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2016 

PAR AMÉLIE BLAUSTEIN NIDDAM

 

Est-ce qu’il sait nager ? Maintenant oui. « Avant j’avais peur, alors j’ai pris des cours dans un endroit spécialisé pour les phobiques des piscines ». C’est ce qui s’appelle plonger dans le vif du sujet. « Piscine ». N’imaginez pas un long bassin débordant sur une mer transparente. Ces piscines-là sont plutôt vert de gris dans un geste classique d’une absolue modernité, pas très loin dans l’idée du petit pull marine d’Adjani.

On le rencontre dans son atelier dans lequel il vit. Disons le tout de suite, ici les choses sont élégantes et maîtrisées. Sa peinture touche autant au Lorrain qu’à Turner. Cela a l’allure de la peinture à l’huile et pourtant « non c’est de l’acrylique ». Ce qui intéresse François Ferrier c’est l’urbanité traitée comme un paysage en clair-obscur du XVIIe siècle. Cela donne une multiplicité de format. A la façon d’un Story Board en amont d’un film. D’ailleurs il a travaillé avec un petit logiciel de montage d’appartement. Il a fait plonger une amie dans une piscine pour vérifier l’impact de la poussée d’Archimède sur un corps. Ensuite, offrons nous un raccourci, il a peint.

Des piscines donc, un « lieu magique rêve et réalité, qui est si présent au cinéma. La piscine c’est un monde parallèle ». Ferrier est fasciné par la perspective. Cela donne des piscines quasiment municipales, après l’heure de fermeture. Dehors, juste une ligne d’horizon dans les teintes très grises qu’il a déjà employé dans une précédente série faites de paysages pris au vent. Quelque fois on aperçoit une femme sans visage qui semble errer justement entre deux eaux.

Ce très beau travail offre une illusion de réalisme. « Il faut de l’ambivalence ». Il n’en manque pas. On croit voir ce que l’on veut… Et avec quelques piscines François Ferrier semble capter toutes les ambiguïtés des rapports humains dans une approche de la solitude que chacun verra comme il l’entendra, angoissée ou sublimée. Mais à bien écouter celui qui peint des objets sombres en écoutant du Bowie période glam rock à fond, le monde ne va pas si mal. Il suffit d’assumer ses contradictions.

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2015

PAR PASCAL GAUZES

François Ferrier ose la peinture de paysage, et présente à la Pijama Galerie sa série Itinéraires. Pari audacieux, mais pari gagné car François Ferrier, ancré dans son temps, parvient à insuffler élan à ce genre souvent jugé figé. Les quatorze œuvres qu’il dévoile saisissent et captivent.

Du petit au grand format, un détail marque l’esprit : le travail de la lumière. La simplicité de ses vues est magnifiée par celle-ci, grâce à laquelle l’artiste nous transporte ici, à l’heure d’une aube dorée d’été, ou là, à l’instant bref d’un crépuscule argenté annonçant une soirée frissonnante, ou bien encore aux moments d’accidents atmosphériques des plus surprenants, ouatant les ciels de violets légers, les poudrant de roses subtiles, les écumant de gris de cristal, les éclaboussant parfois d’ocres et de terre de Sienne chaleureuses.

Mais la spécificité de l’artiste se cache dans l’absence de réalité de ses paysages. Nul espoir de croiser l’artiste au bord d’une route ou à l’orée d’une forêt. François Ferrier part de photographies diverses et se laisse ensuite emporter pour créer des lieux et des paysages uniques. Grâce à cette approche iconoclaste, s’approprier l’œuvre est de l’ordre de l’inéluctable et chacun peut reconnaître la campagne de son enfance ou se laisser transporter dans des décors industriels pouvant évoquer des suburbs américaines des années 50.

Le travail spécifiquement réalisé pour l’exposition nous permet de comprendre la démarche non pas scolaire, mais très précise de François Ferrier pour réaliser des paysages dans lesquels nous sommes absorbés. Derrière uns apparente simplicité se cachent rigueur et précision pour créer plus qu’un tableau, un véritable roman pictural.

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2013

PAR YAEL HIRSCH

 

 

Alors que nous avons découvert le travail de François Ferrier à travers ses paysages à la fois apaisés et en mouvement, lors de l’exposition « Routes » en mars dernier, à la Librairie Galerie Autrement, ce peintre lucide et existentiel nous a ouvert les portes de son atelier pour nous montrer un autre aspect de son travail. Perchés au-dessus du marché d’Aligre, dans la lumière d’une immense pièce où les toiles de l’artiste sont impeccablement rangées, nous avons pu en savoir plus sur l’art de ce jeune homme fasciné par le temps qui passe, à l’avenir très prometteur et travaillant sa peinture « à l’ancienne ». Un entretien à la fois grave et ponctué de tranches de rire, où la physicalité d’une peinture puissante a ouvert sur les questions les plus philosophiques. Notamment celle du caractère éphémère de notre passage ici bas.

 

Comment décrirais-tu ton travail sur les corps. Tes toiles sont-elles des « Nus » ?


L’idée est de regarder la condition humaine sous tous ses aspects. A travers la diversité des morphologies, des personnages, plutôt voluptueux ou plutôt osseux, jeunes, ou plus âgés. Je les représente toujours nus. Ainsi, ils ne sont pas parasités par un costume qui les figeraient dans une époque et qui les feraient basculer dans une scène de genre. Et en même temps, complètement nus, ils sont totalement vrais, vulnérables et ils assument leur part de puissance ou de fragilité.

 

Dans tes tableaux, malgré la nudité, il y a toujours une grande réserve des corps. On pourrait parler de « Pudeur » pour décrire tes nus ?


La provocation ne m’intéresse pas du tout. Ce qui m’intéresse, c’est la recherche de vérité. Celle d’un couple qui s’enlace ou d’une personne âgée perdue dans ses pensées. Quand on voit un couple en train de faire l’amour, ce n’est pas la pornographie qui m’intéresse, mais l’émotion et la vérité de ce que les corps font et disent à ce moment. En ce sens, oui, il y a une sorte de pudeur dans mon travail sur le nu.

 

Les nus que tu peins sont souvent âgés, marqués par le temps. La peinture, c’est un peu l’anti Photoshop ?


(Rire) Oui, on peint des états où l’être humain ne peut plus tricher : l’âge, le désir, la sexualité, des états méditatifs avec un regard plus contemplatif. C’est vrai que j’ai beaucoup peint des personnes âgées. Il y a tout un travail sur l’âge et sur le temps. J’ai eu une prise de conscience très jeune de la fuite du temps, alors que je n’avais pas encore été personnellement confronté à la mort. Je regardais la date d’enregistrement de toutes les pochettes de disques que j’avais et je me disais : « Cela fait déjà huit ans ». C’était très fort, cette hyper-lucidité du temps qui passe. Ce n’est donc pas un hasard si le thème de l’âge se retrouve dans mon travail, même si aujourd’hui j’ai envie de revenir vers des corps moins marqués et vers la gravité qu’il peut aussi y avoir dans le regard d’un sujet plus jeune. J’ai aussi envie de travailler davantage sur le désir, qui est toujours ambivalent, sur le couple. Et puis sur des femmes que je représente seules, et dont on ne sait pas trop si elles sont en extase ou en souffrance.

 

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Certains personnages ont l’air très inspirés, voire en prière. Y a-t-il une influence religieuse ou spirituelle dans ton travail sur le corps et le temps ?


Je me suis complètement nourri de la renaissance et du 17ème siècle, ce sont des grandes sources d’inspiration. Et nombre d’entre-elles sont bien sûr ancrées dans la religion, avec ces tableaux aux ambiances souvent minimalistes. Il y a une transcendance ou du moins un questionnement sur l’existence dans mes tableaux, en tout cas toujours l’idée d’un monde intérieur dans les personnages de mes toiles. Parfois, ils peuvent regarder le spectateur, mais le plus souvent on les surprend dans leur propre évolution, soit dans leurs pensées, soit dans une interaction.

Tu travailles avec des vrais modèles ?


Je peux avoir des documents photographiques qui me servent de base mais les personnages que je peins ne sont pas la copie d’un être existant. Ce qui me plait, c’est la manière dont le tableau va prendre sa propre autonomie et m’amener un visage et un corps que je ne connais pas. Le moment intéressant, c’est cet instant où le tableau prend le contrôle, déploie sa vie propre, il n’y a plus alors qu’à l’accompagner.

 

Comment es-tu venu à la peinture ?


J’ai fait des études de musique avant de comprendre un peu sur le tard, vers l’âge de 23 ans, que la peinture était mon mode d’expression. Avec le recul tout cela venait de très loin, de la petite enfance. Mon père était architecte et mes premières émotions étaient liées au dessin. Adolescent, il y avait un besoin de création qui s’est d’abord traduit par la musique et puis je me suis rendu compte que ce n’était pas le bon vecteur; j’ai donc recommencé une formation, pas dans une école d’art, c’était trop tard et cela devenait compliqué pour s’inscrire. J’ai eu la chance de faire de belles rencontres et d’avoir de bons profs dans chaque matière. Je suis notamment allé suivre aux Beaux-Arts les cours du grand professeur de morphologie, Jean-François Debord, avant qu’il ne parte à la retraite. Avec lui on travaillait le corps des pieds à la tête et à la fin du cours, il passait des diapositives choisies pour nous montrer à quel point les grands maîtres connaissent parfaitement la structure des corps et l’interprétaient. Parfois, trois traits de dessin de Poussin en disent plus sur sa science du corps qu’une toile de nu.

 

Comment définirais-tu le peintre au 21ème siècle ?


Peindre, c’est étaler de la matière sur une toile ou du bois, c’est une activité extrêmement physique et sensuelle. Quand on peint une toile plus grande que soi, il y a un véritable corps à corps, et la nécessité de prendre du recul, de s’éloigner à 3 ou 5 mètres pour avoir diverses visions du tableau. La peinture ramène à la fois à la pérennité et à la fragilité. Dans les tableaux de maîtres anciens par exemple, même 300 ans après on a l’impression que le peintre vient de sortir de l’atelier et qu’on entre dans son intimité. C’est très émouvant et très troublant. En même temps, un tableau est un objet unique et fragile et peut disparaître à tout moment.

 

Quelle est ta palette de couleurs ?


J’aime bien les palettes sobres. Je reste dans des carnations très minimalistes, modulant les tons, chauds ou froids. Pourtant j’adore les peintres qui utilisent la couleur avec audace. Mais pour le moment j’aime bien rester dans ces tons inspirés de la peinture ancienne. La couleur en peinture, ce ne sont pas forcément des oppositions très franches. C’est parfois juste un peu de couleur distillée qui fait qu’il va se passer quelque chose.

 

Comment ton travail sur les corps résonne-t-il avec les paysages que tu as présentés ce printemps à la galerie « Autrement » ?


Le travail sur les paysages est une vision en creux du travail sur les nus. Avec les corps, on est face à une humanité abordée de manière frontale. Le paysage c’est un peu l’inverse, mais la thématique est finalement la même. Il y a une histoire d’errance, de cheminement et d’absence. Il reste toujours une route ou un morceau d’architecture dans les paysages que je peins et qui fait que l’humain n’existe plus que par la trace de son passage, tandis que le lieu demeure.

Parfois je travaille sur ces deux thématiques de front. J’aime bien passer de l’une à l’autre. Après avoir travaillé toute la journée sur des corps, le soir, j’aurais envie de commencer un paysage. Il y a des vraies interactions en termes de facture et de traitement. Tout ce que j’ai travaillé dans les paysages- les effets brumeux ou de disparition- je l’utilise pour les corps. Les personnages semblent sortir de la brume, ce qui crée un climat particulier.

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